Emy Bloom, écrivaine à succès « vaincre les préjugés ! »

 

Emy Bloom est une autrice engagée dans la cause LGBTQ comme il y en a peu. C’est suite à un accident de voiture à 27 ans, alors qu’elle est mère de deux enfants en bas âge (un garçon et une fille), qu’elle se retrouve handicapée. Depuis, elle a mis son talent d’écrivaine au service de la tolérance et lutte contre toutes les discriminations. Rencontre avec cette femme charmante au sourire généreux, dont les handicaps invisibles n’ont en rien entamé sa beauté intérieure.


Culture Gay : Bonjour Emy, tu as reçu le Prix du Roman Gay en 2021 pour « Fractures ». Est-ce que l’écriture est pour toi un moyen de soigner tes plaies ou essaies-tu de panser celles de tes lecteurs avec tes histoires d’amour ?


Fracture(s) est, en effet, la plus personnelle de mes histoires puisqu’elle retrace mon parcours suite à mon accident de voiture. Je n’ai, certes, pas le même handicap que Sébastien qui devient paraplégique, mais nos parcours, eux, sont les mêmes pour notre reconstruction et celui de nos couples. Chacune de mes romances a un petit bout de moi, de mon parcours. Je ne dirais pas que c’est un moyen de panser des maux, mais plutôt de mettre en avant des sujets qui sont encore trop mis sous silence.


Culture Gay : Parmi tes thèmes de prédilection, tu abordes le handicap, mais aussi les violences conjugales, l’homoparentalité, les difficultés de la vie de couple. Est-ce qu’un écrivain doit apporter des solutions aux problèmes de son lectorat ?

Encore une fois, je ne me permettrais pas de me mettre à la place du lecteur. Chacun est, selon moi, libre de penser et agir librement. Mes romans ont plutôt pour but de faire réfléchir le lecteur, qu’il se dise : « et si c’était moi ? Mon compagnon/ ma compagne ? Mes enfants ? Quelqu’un qui est proche ? Comment aurais-je réagi et par la suite, comment réagirais-je ? » Mon but, à mon petit niveau, est d’apporter une ouverture d’esprit au lecteur, lui permettre de comprendre avant de juger. Mon leitmotiv : Quelle que soit sa sexualité – oui, c’est ridicule de le préciser, mais il est important de le préciser malgré tout, car j’ai eu l’honneur d’être lue par des personnes hétéros n’ayant jamais lu d’homoromances auparavant – arrêtons de nous conforter sur des aprioris, des faux semblants.


Culture Gay : L’homophobie est un combat quotidien pour toi qui n’hésites pas à pousser des coups de gueule sur les réseaux sociaux, à chaque fois que tu le juges nécessaire. As-tu le sentiment que l’homophobie régresse ?

Je suis militante pour plusieurs raisons. Pour beaucoup, cela est dû à ma bisexualité. Pour ma part je ne le vois pas ainsi. J’ai, comme présenté plus haut, deux enfants : un garçon et une fille de 11 et 9 ans. À chaque fois que je vois cette homophobie latente, je pense à eux. Je me révolte en me disant « et si c’était les enfants ? ». Avec mon mari, nous essayons de leur inculquer la tolérance. Comment leur expliquer la haine de certains alors que pour eux, la sexualité n’est qu’un « détail », quelque chose qui ne définit aucunement une personne ? Je suis transparente avec eux. Je ne leur ai jamais caché mes sujets d’écriture (même pour les violences conjugales alors qu’ils étaient petits). Ils sont jeunes, mais totalement clairvoyants sur la situation actuelle. Si moi-même je ne me révolte pas face à cette injustice, qui suis-je pour leur parler de tolérance et d’Amour ?


Culture Gay : Tu jouis d’une importante communauté de lecteurs et de lectrices qui attendent désormais tes livres avec impatience. As-tu davantage peur de décevoir qu’à tes débuts ? Quel est ton processus de création ?


Une « importante communauté », je ne sais pas. Oui, j’ai un lectorat fidèle que je remercie infiniment. J’ai aussi de nouveaux lecteurs qui s’intéressent à mes écrits, de par la thématique abordée. Chaque roman est un challenge à mes yeux. Il y aura toujours cette crainte d’échouer, de passer à côté qui est dans un coin de ma tête, même après 6 romans publiés. Trouver une thématique n’est pas en soi difficile, l’actualité nous en sert à toutes les sauces. Non, la difficulté est de construire une histoire qui colle à cette réalité, une histoire où l’on s’immerge, s’interroge, se révolte. En clair, faire réagir. C’est cela qui m’importe le plus, toucher mes lecteurs, qui ne ressortent pas indifférents de leur lecture.

Je mets environ 6 mois à mettre en ordre mes idées une fois la thématique posée. Je pars toujours d’une question ouverte, un peu comme un sujet de philosophie. Par la suite, je fais des recherches, je prends des notes puis vient la seconde étape, l’écriture. Là encore, je vais reprendre le texte une bonne dizaine de fois avant de rentrer réellement dans le processus d’écriture. Oui, cela prend du temps et de l’énergie. Je m’attache à mes personnages au point qu’il m’arrive fréquemment d’être bouleversée par leur parcours, les drames qu’ils vivent… Mais en même temps, cela n’est que le reflet de notre quotidien. Il y a des hauts et des bas, des rires et des larmes. C’est ainsi que je vois mes écrits comme mes lectures.


Culture Gay : à ce jour, tu as publié six romans. En as-tu un préféré ? Peut-on savoir quel sera le thème de ton prochain roman ?

Il m’est impossible d’avoir une préférence ! Chacun est une part de moi. ILS ont tous une place particulière. Mon tout premier Chemins de traverse et Laurent marquent le début de cette folle aventure. Sébastien et Valentin de Fracture(s) eux sont le reflet de mon propre parcours. Raphaël d’Emprise et Isabelle son acolyte féminine sont eux aussi important de part leur combat pour sortir de cette Emprise conjugale, parcours qui fait échos à un de mes proches. Enfin il reste mes deux carnets roses : Once Upon a Time et Samuel… Cette histoire est particulière, car je l’ai coécrit avec mon fils alors âgé de 9 ans. C’était pendant le confinement. Il désirait participer et j’ai dit oui sans hésiter. Il a coécrit le conte pour enfants que Samuel raconte à son propre enfant en parallèle de sa propre histoire. Échanger avec ses enfants sur l’homoparentalité est passionnant. Malgré leur jeunesse, ils sont tellement clairvoyants et sans jugement préconçu. Pour eux, être parent c’est aimer son enfant. Ils se foutent de savoir si c’est deux pères, deux mères ou un parent solo. C’est pourquoi Nouveaux Horizons, qui est le spin off de Once Upon a Time compte, lui aussi énormément pour moi. Il est avant tout une dédicace à l’homme merveilleux qui est devenu mon papa de cœur alors que j’étais enfant… Mais plus encore, il marque un tournant dans ma « petite » carrière, un point de départ vers un nouvel horizon.

Mon actualité à venir :

Ma prochaine sortie sera un quatre mains écrit avec la talentueuse Sawaen K. C’est un conte fantasy Feel Good. Ce roman est le premier d’une série de trois. C’était un pari fou que j’ai accepté, n’écrivant jusqu’alors que des contemporains saupoudrés de drames… J’avais envie de sortir de ma zone de confort et dévoiler la partie « licornesque » qui est en moi. Le Fiasco Enchanté, tome 1 des Chroniques d’Ici et Ailleurs sortira en fin d’année pour les fêtes.

Mon prochain roman solo sera de nouveau un contemporain particulier. En effet, ce dernier m’a été expressément demandé par un de mes lecteurs. Ce n’est pas une biographie, mais l’histoire est largement inspirée de son propre parcours de sourd et séropositif… Un homme « presque » ordinaire verra le jour au premier trimestre 2023.


Culture Gay : Merci beaucoup, Emy !

Merci à Culture Gay pour cette interview et à vous qui prendrez le temps de la lire.Pour suivre toute mon actualité, n’hésitez pas à vous rendre sur mon site : https://emybloom-auteure.fr




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